mardi 24 décembre 2019

Le ténor Pitaluga pour Noël du passage des Bérésinas


Dans Mort à crédit, le ténor Pitaluga a la part belle… 
Mais, comme d’habitude, Céline se joue des noms et des fonctions ! 


Si Miss Helyett a bien été donné en continu aux Bouffes-Parisiens* pour plus de 400 représentations (et non pas au Grenier Mondain), le ténor (qui n'était que baryton) s’appelait Albert-Alexandre Piccaluga** et jouait le rôle de Paul Landrin… 

Miss Helyett, opérette en 3 actes de Maxime Boucheron et Edmond Audran créée et représentée pour la première fois le 12 novembre 1890 aux Bouffes-Parisiens. Sa dernière reprise parisienne date de 1921 (Trianon-Lyrique)

Piccaluga, Gallois and Tauffenberger, en 1896.
** Piccaluga Albert-Alexandre dit Albert. — Baryton (Paris, 17 octobre 1854 – 1925) artiste attaché aux Bouffes-parisiens

«Au Passage des Bérésinas, dans les étalages, partout, y avait des nombreux changements depuis que j’étais parti... On se donnait au « Modern Style », aux couleurs lilas et orange... C’était justement la grande mode, les volubilis, les iris... Ça grimpait le long des vitrines... en moulure, en bois ciselé... Il s’est ouvert deux parfumeries et un marchand de gramophones... Toujours les mêmes photographies à la porte de notre théâtre le « Grenier Mondain »... les mêmes affiches dans les coulisses. Ils jouaient toujours la Miss Helyett avec toujours le même ténor : Pitaluga... C’était une voix enchanteresse, il renouvelait son triomphe chaque dimanche à l’Élévation ! à Notre-Dame-des-Victoires pour toutes ses admiratrices... On en parlait pendant douze mois dans toutes les boutiques du Passage du « Minuit Chrétien » qu’il poussait à Saint-Eustache, ce Pitaluga pour Noël !... Chaque année encore plus pâmant, mieux filoché, plus surnaturel...» (Mort à crédit)

Si la voix "surnaturelle" de Piccaluga vous intéresse, retrouvez-la ici… 
À vous de juger !
Mon Cœur de Collin, chanté par Albert Piccaluga en 1904, avec piano.
Disque Pathé 90 tours 21cm 1095 matrice 28144.

Quand Henri Mondor présentait Céline sur un disque Vinyle



Louis-Ferdinand Céline par Arletty et Michel Simon, 
Disque Vinyle 33 T Pacific LDP F 199-Art de 1957 (réédition du pressage de 1956 par Urania réalisé par François Gardet (alias Paul Chambrillon)

Disque Vinyle 33 T Pacific LDP F 199-Art de 1957
Réédition LVLX 242 - France de 1968 avec en couverture un moulage du visage de Céline par Gen Paul

Réédition LVLX 242 - France de 1968
FACE A - 1 - Règlement chanté par L.-F. Céline
FACE A - 2 - Voyage au bout de la nuit dit par Michel Simon
FACE B - 1 - Mort à crédit (le certificat d'études + le départ pour l'Angleterre) dit par Arletty
FACE B - 2 - À nœud coulant, chanté par L.-F. Céline

Présentation du professeur Henri Mondor (verso des disques)

Henri Mondor
Céline 
À vingt ans, en 1914, Céline avait été assez blessé, au crâne et au bras, pour être jugé définitivement amputé de soixante quinze pour cent de ses forces vives. Avec son reste, comme il dirait, il se fit médecin. Mérite plus rare, il ne songea qu'à soigner des indigents.
Après bien des années de mâle méditation et lancinements cicatriciels, il donna deux extraordinaires chefs-d'œuvre : Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit.
Sur la sottise et la cruauté des humains, sur l'absurdité, l'obscénité, l'hypocrisie ambiantes, sa mémoire infaillible, son génie d'évocation, ses ressources verbales torrentielles, son courage de vérité, son irrésistible verdeur comique, son art enfin firent merveille et firent école.
Céline n'a pas été qu'un moment de l'histoire de la littérature, il en a élargi les domaines. C'est que derrière ses menaces prophétiques et ses bilaires farouches, se laisse deviner une pitié infinie et se fait admirer, comme giroflées sur tertres sombres, le lyrisme des couleurs.
Vint une autre guerre ! L'on peut croire que la fêlure due à la première s'en trouvait brusquement agrandie ou avivée… Mais le grand mutilé a payé cher les exaspérations, les divagations de sa colère. Après l'épreuve terrible de l'exil, que restait-il des centièmes résiduels de ses forces ? Le talent de livres récents où la puissance et la virtuosité n'ont plus leurs aises et se veulent apaisées.
Sous les signes de la haute triade primitive, fatalité, poésie, magie, Céline n'est plus dans un coin caché, la haine veillant aux portes, que l'auteur maudit par excellence.
Cependant, en un journal qui ne peut passer ni pour l'aimer ni pour l'absoudre n'a-t-on pas écrit ces jours-ci : «Parler du roman contemporain sans citer Céline, c'est évoquer le Romantisme en écartant Victor Hugo ! »

Henri Mondor, 
médecin français, chirurgien et historien de la littérature (20 mai 1885 - 6 avril 1962).
Engagé volontaire en 1914 comme infirmier de 2e classe. Il est à Verdun, en Italie et sur le front de Champagne. Docteur en 1915, il termine la guerre comme médecin aide-major.
Il est l'auteur mondialement connu de Diagnostics urgents de l'abdomen (1928), constamment réédité pendant un demi-siècle. Il était depuis 1946 membre de l'Académie française (fauteuil 38). Il a écrit de nombreuses biographies (Mallarmé, Valéry, Gide…). Il était président de la société des Amis de Marcel Proust. En 1960, il écrit la notice biographique des œuvres complètes de Céline dans la Pléiade. Romancée, elle reprend parfois mot pour mot les éléments dictés par l'écrivain au cours de leurs échanges épistolaires… (Louis-Ferdinand Céline, Lettres à Henri Mondor, Gallimard, 2013)

dimanche 22 décembre 2019

Église (L') dans VU du 27 septembre 1933 (fragments)

témoignages de notre temps 
L'Église, comédie en 5 actes de Louis-Ferdinand Céline


L’auteur du Voyage au bout de la nuit écrivit il y a quelques années cinq actes qui viennent seulement de voir le jour. L’Église que publient les Éditions Denoël et Steel est une comédie satirique, amère : « La vie — dit Bardamu, ce même héros du Voyage au bout de la nuit que l’on retrouve ici –, n’est pas une religion, c’est un bagne. Faut pas essayer d’habiller les murs en église… il y a des chaînes partout.» 
L’amertume de l’auteur trouve sa pâture dans un centre colonial de l’Afrique, à New-York, dans Broadway, à la Société des Nations et dans la banlieue parisienne. Voici quelques fragments du troisième acte qui est une charge contre la S.D.N.