jeudi 2 mai 2019

Pauvreté mystique de Céline


Misère de la critique et critique de la misère mystique

Dans le bimestriel Éléments 176 de février-mars 2019, Anne-Laure Blanc descend le livre de Nicolas Mathieu que j’ai trouvé, pour ma part, intéressant et très agréable à lire. 
Dans sa critique du prix Goncourt, elle insiste sur le côté roman ado et ambiance de série télé de "Leurs Enfants après eux". Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que, bien entendu, Céline — en compagnie de Simenon et Hamsun  —, est appelé à la rescousse pour mettre plus bas que terre l’image de la pauvreté telle que décrite dans ce livre. 
« Après la pauvreté brouillardeuse de Simenon, la pauvreté hallucinée de Hamsun, la pauvreté mystique de Céline, reste à savoir si la pauvreté McDo deviendra un stéréotype littéraire. Frustration à tous les étages. »

Pauvreté mystique ? Franchement, je ne vois pas de quoi il est question ! C’est d’ailleurs plus de la misère que de la pauvreté dont parle Céline.
Dans l’évocation du Roi Misère ?
«On est nés fidèles, on en crève nous autres ! Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C’est lui qui nous possède ! Quand on est pas sages, il serre…»
ou ?
«L’existence, ça vous tord et ça vous écrase la face. À elle aussi ça lui avait écrasé la face mais moins, bien moins. Les pauvres sont fadés. La misère est géante, elle se sert pour essuyer les ordures du monde de votre figure comme d’une toile à laver. Il en reste.»
ou bien ? 
« Il n’existe en somme que les misères bien présentées pour faire recette, celles qui sont bien préparées par l’imagination.»
ou ce vague rapport ?
«Il y a un moment de la misère où l’esprit n’est plus déjà tout le temps avec le corps. Il s’y trouve vraiment trop mal. C’est déjà presque une âme qui vous parle. C’est pas responsable une âme.»
ou encore un peu de vague philosophie ?
«La misère poursuit implacablement et minutieusement l’altruisme et les plus gentilles initiatives sont impitoyablement châtiées.»
«Quand la bête à misère, puante, vous traque, pourquoi discuter ? C’est rien dire et puis foutre le camp qu’est malin. » 
Et pour finir dans le mystique…
«Elles me parurent d’autant mieux divines ces apparitions, qu’elles ne semblaient point du tout s’apercevoir que j’existais, moi, là, à côté, sur ce banc, tout gâteux, baveux d’admiration érotico-mystique de quinine et aussi de faim, faut l’avouer. »

Bref, si quelqu’un a compris de quoi il s’agit !
((Toutes citations extraites de Voyage au bout de la nuit))

À moins qu’Éric Mazet qui dans un entretien donné au Petit célinien affirmait : «Qui mieux que Céline au XXe siècle a parlé de la pauvreté sociale et mystique de l’homme habillé de mensonges et de flatteries ? », puisse nous en dire plus ! (j’ai sans doute raté une marche et j’aimerais comprendre !)