vendredi 23 novembre 2018

Pourquoi je lis Rigodon ou les preuves de l'existence de l'homme par Alain Jugnon

Pourquoi je lis… Rigodon
Les preuves de l'existence de l'homme





par Alain Jugnon, collection Les Feux Follets (Le Feu sacré éditions, 2015) 

Il s'agit là d'un petit livre assez foutraque, écrit par un «nietzschéen de gauche critique» (sic) dans lequel circule quelques bonnes idées abreuvées de culture philosophique…  



Au lecteur de Rigodon
Autant lire Céline dans le texte est chose aisée, autant lire Rigodon est impossible si l'on n'est pas en train de devenir célinien soi-même.
Or devenir célinien ne se peut que si l'on lit Céline dans l'ordre de l'écriture et de la vie des hommes de 1914 à 1945, d'une guerre à l'autre.
Lire Céline revient à pouvoir une littérature qui sache être nietzschéenne en 1914 (les guerres du XXe siècle), heideggérienne en 1945 (la mort de Dieu) et proustienne en 1960 (le temps retrouvé à la fin de la modernité).
De 1945 à 2015, pas de lecture de Céline en philosophie. Et pourtant, Nietzsche, Heidegger et Proust sont dans le même train que Céline et Lucette en direction du Nord.



Quoi les poètes
Alors quoi ? Les poètes ? Et où ? Le poème ? Ce serait quoi une philosophie de la littérature en 2015 qui se mettrait à lire Céline après les guerres comme on a lu Heidegger après tout. Pour oser une contradiction fondatrice, parce qu'on pense au XXIe siècle après Auschwitz : Heidegger ou la philosophie avec le nazisme (donc une métaphysique) contre Céline ou la poésie sans la métaphysique (donc sans Hitler).
On lira en même temps que dans Céline de la fin il y a le nazisme et sa chute pris dans le train de vie de la mort en 1946 et que dans le Heidegger du début de la fin de l'œuvre il y a la grande poésie allemande de Hölderlin et de Rilke. De fait, la philosophie de l'homme qui rendra possible la confrontation Céline/Heidegger comme une contradiction maintenue c'est celle de Nietzsche, quand Nietzsche est le contre-sens d'Heidegger et quand il est la direction prise par Céline au cours du dernier voyage qu'est sa trilogie allemande. C'était l'Europe avant la lettre.

Pourquoi alors les poètes en temps de détresse ?
demande Hölderlin
La région de déploiement d'un dialogue entre la poésie et la pensée ne peut être éclairée, atteinte et pensée qu'à une allure lente et patiente. Qui voudrait, de nos jours, prétendre séjourner familièrement aussi bien dans la nature véritable de la poésie que dans celle de la pensée ? Et être en outre assez fort pour faire entrer l'essence intime des deux en l'extrême discorde, pour fonder ainsi la concorde de leur accord ?
Répondait Heidegger dans Chemins qui ne mènent nulle part 
(Pourquoi des poètes ? p. 332, Idées/Gallimard, 1962)

 il y a Nietzsche qui s'interpose, qui renvoie Heidegger à ses vieilles études religieuses et qui donne le temps, la vie et l'écriture à Céline. 
Céline, l'écrivain, à son mot à dire et il est ici celui qui, vite et impatient, prétendra séjourner seul et d'abord dans l'intime de  la poésie et de la pensée, au cœur brisé de la vie, selon joie et immanence devant la mort.
Alors quoi les poètes ? Parce qu'il y en a en 2015 comme en 1946. Nous en sommes à l'époque joyeuse de la revanche des étants, ce sont des poètes et ce sont des femmes, ils font la nique aux penseurs de l'Être, aux poètes chrétiens et aux écrivains de la droite de Dieu. Cette époque est la détresse de la métaphysique et du nihilisme. Elle est nietzschéenne à ce titre : les étants lisent les livres et écrivent la poésie de la révolution humaine du XXIe siècle.
Allons-y les étants ? Finissons l'Être. Lire aujourd'hui Céline, sinon ne plus rien écrire de sérieux sur l'époque de notre détresse au présent. La littérature alliée avec la poésie est encore capable de détruire toute la métaphysique, sans recours et sans peine. Le Poème versus le Logos : entre Céline la lettre et Heidegger l'esprit, entre la vie et la mort, il y a Nietzsche qui s'interpose, qui renvoie Heidegger à ses vieilles études religieuses et qui donne le temps, la vie et l'écriture à Céline. 

Quand on vous disait que c'est un petit livre…





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