Journey to the End of the Night |
"When you stop to examine the way in which our words are formed and uttered, our sentences are hard-put to it to survive the disaster of their slobbery origins.The mechanical effort of conversation is nastier and more complicated than defecation. That corolla of bloated flesh, the mouth, which screws itself up to whistle, which sucks in breath, contorts itself, discharges all manner of viscous sounds across a fetid barrier of decaying teeth—how revolting! Yet that is what we are adjured to sublimate into an ideal. It's not easy. Since we are nothing but packages of tepid, half-rotted viscera, we shall always have trouble with sentiment. Being in love is nothing, its sticking together that's difficult. Feces on the other hand make no attempt to endure or grow. On this score we are far more unfortunate than shit; our frenzy to persist in our present state—that's the unconscionable torture.
Unquestionably we worship nothing more divine than our smell. All our misery comes from wanting at all costs to go on being Tom, Dick, or Harry, year in year out. This body of ours, this disguise put on by common jumping molecules, is in constant revolt against the abominable farce of having to endure. Our molecules, the dears, want to get lost in the universe as fast as they can! It makes them miserable to be nothing but 'us,' the jerks of infinity. We'd burst if we had the courage, day after day we come very close to it. The atomic torture we love so is locked up inside us by our pride."
Louis-Ferdinand Céline, Journey to the End of the Night
«Quand on s’arrête à la façon par exemple dont sont formés et proférés les mots, elles ne résistent guère nos phrases au désastre de leur décor baveux. C’est plus compliqué et plus pénible que la défécation notre effort mécanique de la conversation. Cette corolle de chair bouffie, la bouche, qui se convulse à siffler, aspire et se démène, pousse toutes espèces de sons visqueux à travers le barrage puant de la carie dentaire, quelle punition ! Voilà pourtant ce qu’on nous adjure de transposer en idéal. C’est difficile. Puisque nous sommes que des enclos de tripes tièdes et mal pourries nous aurons toujours du mal avec le sentiment. Amoureux ce n’est rien c’est tenir ensemble qui est difficile. L’ordure elle, ne cherche ni à durer, ni à croître. Ici, sur ce point, nous sommes bien plus malheureux que la merde, cet enragement à persévérer dans notre état constitue l’incroyable torture.
Décidément nous n’adorons rien de plus divin que notre odeur. Tout notre malheur vient de ce qu’il nous faut demeurer Jean, Pierre ou Gaston coûte que coûte pendant toutes sortes d’années. Ce corps à nous, travesti de molécules agitées et ba-nales, tout le temps se révolte contre cette farce atroce de durer. Elles veulent aller se perdre nos molécules, au plus vite, parmi l’univers ces mignonnes ! Elles souffrent d’être seulement « nous », cocus d’infini. On éclaterait si on avait du courage, on faille seulement d’un jour à l’autre. Notre torture chérie est en-fermée là, atomique, dans notre peau même, avec notre orgueil.»
Voyage au bout de la nuit
«Quand on s’arrête à la façon par exemple dont sont formés et proférés les mots, elles ne résistent guère nos phrases au désastre de leur décor baveux. C’est plus compliqué et plus pénible que la défécation notre effort mécanique de la conversation. Cette corolle de chair bouffie, la bouche, qui se convulse à siffler, aspire et se démène, pousse toutes espèces de sons visqueux à travers le barrage puant de la carie dentaire, quelle punition ! Voilà pourtant ce qu’on nous adjure de transposer en idéal. C’est difficile. Puisque nous sommes que des enclos de tripes tièdes et mal pourries nous aurons toujours du mal avec le sentiment. Amoureux ce n’est rien c’est tenir ensemble qui est difficile. L’ordure elle, ne cherche ni à durer, ni à croître. Ici, sur ce point, nous sommes bien plus malheureux que la merde, cet enragement à persévérer dans notre état constitue l’incroyable torture.
Décidément nous n’adorons rien de plus divin que notre odeur. Tout notre malheur vient de ce qu’il nous faut demeurer Jean, Pierre ou Gaston coûte que coûte pendant toutes sortes d’années. Ce corps à nous, travesti de molécules agitées et ba-nales, tout le temps se révolte contre cette farce atroce de durer. Elles veulent aller se perdre nos molécules, au plus vite, parmi l’univers ces mignonnes ! Elles souffrent d’être seulement « nous », cocus d’infini. On éclaterait si on avait du courage, on faille seulement d’un jour à l’autre. Notre torture chérie est en-fermée là, atomique, dans notre peau même, avec notre orgueil.»
Voyage au bout de la nuit