vendredi 8 décembre 2017

Le Bulletin célinien n° 400 Entrevue avec son fondateur dans Eléments n° 169

Dans le bimestriel Eléments n° 169 de Décembre 2017
A la rubrique Un homme, une revue
Marc Laudelout, Directeur-fondateur
du Bulletin célinien vu par Chard
Propos recueillis par François Bousquet
Entretien avec Marc Laudelout, Directeur-fondateur du Bulletin célinien

Voyage au bout de Céline
Le Bulletin célinien fête son 400e numéro. Les céliniens le lisent avec la même avidité que Julien Sorel se jetant sur le Bulletin de la Grande Armée.




ÉLÉMENTS : Quelle mouche vous a piqué quand vous avez lancé en 1982 le premier numéro du Bulletin célinien ?

MARC LAUDELOUT : En fait, il y eut d'abord un n° 0, très recherché par les amateurs, qui fut publié à la fin de l'année1981, celle du vingtième anniversaire de la mort de Céline. L'idée était de prolonger la chronique de l'actualité célinienne qui figurait dans feu La Revue célinienne, que j'avais fondée en 1979. Elle n'eut que trois numéros ayant laissé la place à une maison d'édition du même nom qui publia notamment trois essais sur Céline de mon compatriote Pol Vandromme, dont le dernier consacré aux relations croisées entre Céline, Marcel Aymé et Roger Nimier. 



Le Bulletin se voulait donc au départ (c'était bien avant Internet) un lien régulier avec les céliniens pour les informer des publications, conférences et colloques, adaptations théâtrales, échos de presse, etc. D'abord trimestriel, le BC devint mensuel dès l'année 1983 et augmenta peu à peu son nombre de pages pour se stabiliser depuis quelques années à 24 pages format in-octavo. Aujourd'hui nous publions des études, des témoignages, des correspondances inédites, des commentaires divers, en plus de la recension de l'actualité célinienne. Enseignant pendant une trentaine d'années, j'ai toujours eu une vocation rentrée de journaliste (littéraire) : le BC fut l'occasion d'assouvir ce penchant. Avant de créer le Bulletin, j'ai collaboré à une revue belge aujourd'hui disparue, Europe-Magazine, qui me permit d'interviewer des personnalités admirant Céline, comme Arletty, lectrice enthousiaste de Voyage en 1932, ou Robert Poulet, auteur d'un des premiers livres sur le sujet (Entretiens familiers avec L.-F. Céline) paru en 1958.




Dans Le Nouvel Europe magazine, un article place Céline à droite…



Le Bulletin célinien est le seul mensuel consacré à un écrivain. Céline serait-il un monde à lui seul ?

ML : C'est une œuvre considérable qui suscite un nombre élevé d'essais (une demi-douzaine cette année) et trois revues spécifiques en plus du BC (Études céliniennes, L’Année Céline et Spécial Céline). À l'instar de certains peintres, Céline a su renouveler sa manière : il y a une constante évolution stylistique et narrative de Voyage au bout de la nuit à Mort à crédit, puis de Mort à crédit à Féerie pour une autre fois. Céline, c'est aussi toute une mythologie qui fascine les céliniens : du médecin de dispensaire à Clichy au clochard dépenaillé de Meudon en passant par l'exilé ostracisé au Danemark. Toute son œuvre, écrite à la première personne, est largement inspirée par sa vie mouvementée. Très marqué par la Première Guerre au début de laquelle il fut grièvement blessé au cours d'une mission héroïque de liaison, il connut ensuite une vie aventureuse à Londres (où il se maria pour la première fois à l'âge de 22 ans), puis au Cameroun, où il géra une plantation avant d'entreprendre, en Bretagne et à Paris, des études de médecine. Plus tard son engagement politique l'amena à connaître en 1944 l’Allemagne dévastée et la colonie française de Sigmaringen, dans le Bade Wurtemberg. Ces expériences multiples ont nourri dix romans écrits du début des années trente à l'année 1961 qui est celle de sa mort, alors qu'il n'a pas terminé la mise au point de son ultime roman, Rigodon, qui sera posthume.

« Je crains l'homme d'un seul livre », disait saint Thomas d'Aquin. 
Faut-il se méfier de l'homme d'un seul auteur ?

ML : La plupart des céliniens sont loin de ne s'intéresser qu'à leur écrivain de prédilection. Pour ma part, je suis aussi un lecteur passionné de Proust,Tolstoï, Faulkner, Kundera, Roth, et tant d'autres. Mais il est difficile d'être spécialiste patenté de plusieurs écrivains à la fois. Henri Godard, brillant exégète de Céline, y est arrivé en travaillant aussi sur Giono et Malraux. Loin de moi l'idée de me comparer à ce professeur émérite de la Sorbonne ! Comme je l'indique dans le n° 400, je me considère comme un simple publiciste célinien auquel on peut tout au plus reconnaître une certaine constance.

Rassurez-nous : il n'y aucune raison que l'aventure du Bulletin se termine. Céline est inépuisable...

ML : En effet. Cette œuvre est très riche et en réalité assez méconnue (en dehors de Voyage et de la trilogie allemande). À l'égal de celle des géants de la littérature mondiale, elle se prête à maintes analyses comme le montrent, depuis 1976, les colloquies organisés par la Société d'études céliniennes. Le prochain aura lieu en juillet prochain sur le thème « Céline et le politique », vaste sujet. Le fait que l'auteur ait souhaité la victoire des forces de l'Axe, sans parler de son antisémitisme et même de son racisme, fait de lui un auteur dont on n'a pas fini d'interroger la personnalité complexe et ambivalente. Céline est à la fois un romancier, créateur d'un style original à la mesure de son imaginaire, et un pamphlétaire d'une grande virulence qui fait de lui un écrivain éminemment sulfureux, même s'il est pléiadisé et reconnu dans le monde comme l'un des plus grands auteurs du siècle passé.

Pour s'abonner: 56 € par an, comprenant les 11 numéros de l'année à venir (chèque à Marc Laudelout, 139 rue Saint-Lambert, 
BP 77, 1200 Bruxelles, Belgique) 
Le Bulletin célinien a aussi un blog: http://bulletincelinien.com 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire