«Depuis Jean-Pierre Dauphin et Henri Godard, dont les premiers travaux datent de 1975, aucun historien ne s'était sérieusement intéressé à cet auteur.»
Jean-Paul Louis à propos de La Bretagne de Céline de Gaël Richard dans Le Télégramme du 4 août 2013
De ses origines familiales à la fin de sa vie, la Bretagne a joué un rôle affectif important pour l'écrivain Louis-Ferdinand Céline (1894-1961). L'éditeur Jean-Paul Louis, évoque l'enquête menée par l'historien Gaël Richard.
Comment Gaël Richard a-t-il abordé le destin breton de Céline ?
J'apprécie sa manière de raisonner, de chercher et de faire parler lettres, préfaces, textes médicaux, archives administratives ou familiales, toutes ces « broutilles » qui peuvent être significatives. Depuis Jean-Pierre Dauphin et Henri Godard, dont les premiers travaux datent de 1975, aucun historien ne s'était sérieusement intéressé à cet auteur. Nous avons fait le choix de la chronologie. Le début est consacré aux origines bretonnes de celui qui, dans une lettre de 1945, avait déclaré « Je ne suis qu'un Breton de Paris ». Il est né à Courbevoie, en 1894, mais son père s'était marié à une dénommée Guillou. Un autre ancêtre est passé par le Morbihan. Gaël Richard ausculte cette filiation bretonne.
L'année 1918 est un de ces moments de vérité...
Oui, cette année-là, la mission Rockefeller, dont Céline fait partie, a conduit un groupe franco-américain, médecins et non médecins, en Bretagne pour informer sur la tuberculose. Le périple débute en Ille-et-Vilaine. Durant l'été, la mission arpente le Finistère et passe par Douarnenez, Concarneau, Quimper ou, encore, Pont-Croix. En août, elle reste deux semaines à Brest et on a retrouvé tous les lieux des conférences. Le détail de cette mission n'avait jamais été établi de manière aussi complète.
Rennes est-elle à part ?
Rennes est un point de départ essentiel. Louis Destouches, futur Céline, y rencontre le professeur Athanase Follet, bourgeois rennais qui l'aide à passer ses examens de médecine et dont il épousera la fille, Edith. C'est à Rennes qu'il devient père et écrivain, puisqu'il écrit là ses premiers textes, dont sa thèse sur Semmelweiss.
Céline à bord d'Enez Glaz de Mahé à Saint-Malo en 1936 |
Que représentait la Bretagne pour l'auteur ?
Elle symbolise ce que l'on ressent de plus fort au contact de la terre et de la mer. Elle n'a pas d'incidence sur son écriture, mais sur son état d'esprit, oui. À certains moments de la guerre, elle a été un refuge, Saint-Malo notamment. Elle fut aussi une terre d'amitié, avec l'artiste Henri Mahé, de Camaret. Céline est allé en Angleterre, aux États-Unis, en Russie mais, après Paris, il n'a jamais eu une relation aussi constante qu'avec la Bretagne. Un an avant sa mort, il rêvait encore d'y retourner.
L'ouvrage distingue-t-il Bretagne réelle et Bretagne rêvée ?
Il y a, chez lui, une mythification de la Bretagne, mais la relation qu'il entretient avec la région et ses hommes ne le conduira pas, par exemple, à épouser la cause des mouvements séparatistes. Même si l'on sait que Céline a rencontré des dirigeants du Parti national breton, ce que Gaël Richard détaille, dont Olier Mordrel. Après guerre, il dit volontiers « Je suis Celte ». Sans qu'on sache ce que cela signifie pour lui, car il brouille les pistes. C'est le même qui, à un interlocuteur, déclarait : « Je vois que vous êtes Breton, comme moi, donc pas très malin. »
Votre livre a-t-il tout dit ?
Non, évidemment. Il n'a pas été possible, par exemple, d'inventorier toutes les archives municipales. De même, du côté de la famille de sa fille Colette - décédée le 9 mai 2011, à Lannilis -, des documents restent inconnus. Mais nous publions beaucoup d'inédits, comme ces lettres à Georges Desse, proche d'Augustin Morvan, ou le fac-similé de son inscription en médecine.
La Bretagne de Louis-Ferdinand Céline de Gaël Richard, 600 pages, éditions du Lérot (www.editionsdulerot.fr). (ÉPUISÉ)
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