mardi 3 septembre 2024

Le Docteur Destouches et les Ardennes dans le trimestriel Terres ardennaises n° 91 juin 2005

 Le Docteur Destouches et les Ardennes dans le trimestriel Terres ardennaises (revue d’histoire et géographie locales) n° 91 juin 2005

La biographie de Frédéric Vitoux nous révèle que I'année 1923 fut un tournant décisif dans la formation médicale de Louis Destouches (1894-1961). Mois après mois, le futur écrivain du "Voyage au bout de la nuit" partagea son temps entre les stages hospitaliers imposés par la faculté, les premiers remplacements en cabinet - qu'il effectua principalement à Rennes -, et la fréquentation épisodique et tardive de l'lnstitut Pasteur. Parallèlement, il préparait les examens ponctuant le cycle alors très court des études médicales et allait enfin mettre en chantier la plus ieune de ses æuvres romanesques : “Semmelweis", à la fois travail de thèse et texte sensible où se conjuguent fougueusement médecine et poésie. Au beau milieu de cette studieuse année, entre deux vacations bretonnes, Louis Destouches fit un court voyage dans les Ardennes, le temps d'un remplacement d'été. Cet épisode méconnu de la vie du bon docteur ne manqua pas d'interpeller la communauté littéraire ardennaise menée par l'écrivain et poète Jean-Paul Vaillant (1897-1970) qui, près d'un an après la sortie évènement du Voyage au Bout de la Nuit (1932), glissa dans les colonnes de sa revue La Grive un court article en forme d'hommage à celui qui, dix ans plus tôt, n'était qu'un modeste médecin remplaçant.


Renoncements visionnaires, fuites imprudentes, courageux périples et petites lâchetés rythmèrent sans trêve les six décades du grand Céline. Son œuvre littéraire, sorte de grande fresque dansante dictée par une émotion crue, retranscrit en les magnifiant les faiblesses et les grandeurs du personnage : humanisme forcené, lucide et imparfait, joie maniaque de raconter la vie sous l'angle du paradoxe, tentations idéologiques, frustrations enfantines et amour d'un art qui convoque et consume tout en même temps I'envie, le rêve et l'espoir. 



Universellement applaudi à la naissance du Voyage au bout de la nuit (1932), Céline devint, après cinq ans d'une gloire méritée, le salaud paradoxal des pamphlets (Bagatelles pour un massacre, L'école des cadavres, Mea culpa). Assimilé pour toujours à ses inexcusables délires antisémites, celui qui ne collabora jamais, nonobstant les accusations de certains, connut après-guerre quinze années ingrates baignées de prison, d'oubli puis de Pléiade rédemptrice. Jusqu'au bout de ce chaotique parcours, Céline demeura obstinément fidèle à Asclépios. Sa carrière médicale ressemble d'ailleurs à une perpétuelle valse hésitation : du cabinet de quartier au dispensaire de banlieue, puis des missions intercontinentales pour la Société des Nations (auprès du Pr Ludwik Rachjman 1881-19651 qui fut le fondateur historique de l'Unicef et le promoteur de la future Organisation Mondiale de la Santé) aux sentiers de l'exode, à la fin de la guerre, avant les ultimes  consultations bénévoles dispensées dans sa demeure de Meudon où il acheva sa vie, le Dr Destouches fut un praticien aussi passionné qu'éparpillé, parfois improvisé, souvent démuni. Tour à tour correspondant régulier de la presse médicale, médecin de laboratoire pharmaceutique ou hygiéniste voyageur invité à découvrir et à commenter les outils de recherche les plus modernes, il collabora activement au progrès scientifique de son temps. Mais, au-delà des études de populations, de microbes ou de maladies qui occupèrent sans relâche les jeunes jours de sa carrière médicale, c'est bien l'homme, entité ô combien obscure et impénétrable, que Louis Destouches ne cessa jamais d'ausculter de sa plume et c'est à lui et à lui seul qu'il voua l'œuvre de toute sa vie.



Une année entre Seine et océan


1923 mis un point final aux années de formation théorique et pratique du jeune clinicien. De la faculté de Rennes, où débutèrent ses études, à celle de Paris, qui I'accueillit pour sa quatrième année dès l'hiver 1922, Louis enchaîna sans répit les stages hospitaliers et les examens de clinique médicale. En ce début d'année où les éditorialistes n'avaient de titres que pour la Ruhr occupée, la nomadite chronique, que Louis avait contractée dès l'adolescence et qui le mena quelques années plus tôt de Paris à Soho et de Douala à Rennes, semblait en phase quiescente ; pour les beaux yeux de la bretonne Edith Follet, épousée à Quintin en août 1919, notre impétrant avait provisoirement élu domicile à Rennes. Là, dans le feutre d'une conjugalité placide et cossue, à l'abri de hautes pierres encore tout humides des larmes mêlées d'une souveraine sacrifiée et, plus tard, du premier sang de la Révolution, il regardait grandir une petite fille qui avait à peu près l'âge de ses études. Bientôt, Louis laisserait pouloper à nouveau sa jeunesse ambitieuse au gré des métropoles et des exotismes... Pour l'heure, il était contraint de se diviser entre une capitale où le réclamaient les ultimes examens universitaires, et une province bretonne qui lui offrait ses premiers engagements professionnels et familiaux.


En janvier, Louis fut accueilli comme stagiaire dans le service chirurgical du professeur Delbet à l'hôpital Cochin. Durant les mois qui suivirent, les examens de doctorat, qu'il vit sanctionnés par des résultats souvent inégaux, le plongèrent dans un labeur dont il n'émergea qu'à l'aube de l'été. En juin, il reçut du doyen de la Faculté de Paris l'autorisation de soutenir une thèse universitaire. À partir de ce moment et jusqu'au premier mai 1924 - date à laquelle il obtint son doctorat - Louis s'attela à la préparation d'une biographie de l'obstétricien hongrois Fülop Ignaz Semmelweis (1818-1865), découvreur sans doute trop précoce de l'hygiène préventive par le lavage des mains. L'année qui conduisit notre jeune praticien à la soutenance de ce beau mémoire fut parsemée d'expériences innovantes et cruciales : grâce aux remplacements qu'il effectua régulièrement entre juin 1923 et juin 1924, la médecine devenait enfin la concrète compagne de son quotidien. Pour la première fois, le Dr Destouches se retrouvait seul face aux patients, armé de son bon sens clinique et de quelques livres, loin des lumières consolatrices de l'hôpital et des dogmes rassurants de la Faculté.


«Les remplacements, les dévouements... à la ville, en province, aux champs, parcouru bien des sentiers, escaladé bien des étages, tout fervent de I'art de guérir panser, consoler, accoucher, prescrire, peloter aussi... Sus à la douleur ! aux microbes ! à la fatigue ! à la mort ! à vingt-cinq formes de désespoir au moins !... Ah, résumation, tribulations ! nèfles ! crottes ! bon Dieu ! Petits profits, gros avatars ! Partout mes plumes !…» (1)



Le premier juin, ayant brillamment réussi le passage de son cinquième et dernier examen clinique, Louis démarra sa première vacation libérale dans le cabinet du Dr Porée, au 5 quai Lamennais à Rennes.


« De Rennes à Paris, écrit Frédéric Vitoux, Louis oscilla donc sans cesse » et « consacra la seconde moitié de I'année à des remplacements » (2). Pourtant, au beau milieu d'un été qui rennaise du Pr Follet (alors beau-père de Louis) jusqu'à l'automne, avant d'emprunter, au seuil de l'hiver, les corridors de l'Institut Pasteur, notre apprenti praticien décida de renoncer quelque temps à ses engagements rennais et trompa, durant la dernière quinzaine de juillet, sa ronflante Bretagne avec une sauvageonne au charme rugueux : l'Ardenne. Les trois mois de galopade absurde qu'il sacrifia, durant l'automne 1914, à un 12e Cuirassiers peu enclin à poursuivre le front du nord, lui avaient tout juste permis de frôler le sud puis l'est des Ardennes. Les martiales prémisses au Voyage au bout de la nuit s'en souviendraient quelques années plus tard:


« Dis donc, Kersuzon, que je lui dis, c'est les Ardennes ici tu sais... Tu ne vois rien toi loin devant nous ? Moi, je ne vois rien du tout... 

- C'est tout noir comme un cul, qu'il m'a répondu Kersuzon. Ça suffisait... » (3)


Si les Ardennes de Bardamu sentaient encore le canon, celles de Bagatelles pour un Massacre (1937), brandies par un Ferdinand, que I'indifférence générale à la montée de l'hitlérisme rendait fébrile, allaient prendre de véritables allures de représailles:


«[…] toi t'iras voir dans les Ardennes, te rendre compte un petit peu, de I'imitation des oiseaux par les petites balles si furtives... si bien piaulantes au vent... des vrais rossignols, je t'assure... qui viendront picorer ta tête...» (4)


Quatorze ans avant l'ombrageux Bagatelles, entre deux apocalypses, Louis partit découvrir au grand jour les reliefs et les profondeurs d'un nord-est voluptueusement enfoui dans le tortueux sillon de la basse vallée. Il retrouvait une vieille connaissance : la Meuse, dont il avait croisé le chenal variqueux entre nuit et rafales, à l'époque de la 7e division de cavalerie. Le 16 juillet 1923, ce fut une Meuse plus sereine qui accueillit notre remplaçant voyageur. Une Meuse dont les berges armées de hauts rocs et de bois arides se laissaient à présent contempler sans repliques de mitraille, sans ruptures d'éclairs, sans embuscades ni balles perdues. Des eaux désormais pacifiques tourbillonnaient au creux du gigantesque écrin qui s'écartelait pour offrir au regard de Louis l'étrange coquetterie d'une ville en forme de pont.


Quelle force, quelle envie poussa notre remplaçant à venir s'égarer au hasard des ruelles pentues de ce petit bourg industriel que George Sand, un demi-siècle plutôt, baptisa village de serruriers ? La lecture passionnée des mémoires de la grande dame, dont Louis était particulièrement friand, lui en souffla-t-il l'inspiration ? Voulait-il, à l'occasion de cette vacation revinoise, s'offrir un pèlerinage respectueux sur les romanesques sentiers du Malgrétout ? 

Le Dr Boucher, que Louis venait alors remplacer, lui fut-il vivement recommandé par un confrère parisien ou rennais ? Une chose est certaine aujourd'hui : à l'ombre de ses heures bretonnes, le Dr Destouches vint, par quelques beaux jours ensoleillés, dispenser une science médicale aussi neuve que vigoureuse dans Ie cœur altier de la vallée de la Meuse.



Des traces émouvantes


Officiel organe d'une communauté littéraire qui fit se côtoyer les plus fines plumes ardennaises, du conteur Jean-Paul Vaillant (1897-1970) au poète René Char (1907-1988), en passant par le romancier André Dhotel (1900-1991), le périodique La Grive nous offre la première trace historique du passage de Louis Destouches dans les Ardennes. En avril 1933, soit près d'un an après la parution retentissante du Voyage au bout de la Nuit (1932), un court article rendit hommage à cet épisode méconnu de la vie d'un médecin qui devenait désormais célèbre :


« Louis Ferdinand Céline (Dr Destouches) a habité Revin en juillet-août 1923. Il y remplaçait le Dr Boucher. Contrairement aux affirmations de presque toute la critique, son Voyage au bout de la Nuit n'est nullement une autobiographie. Les Revinois qui ont connu le Dr Destouches ont gardé le souvenir non pas d'un Bardamu, mais d'un garçon très sympathique et très distingué, n'ayant avec son héros que l'amour du paradoxe. Le peuple ardennais a discerné en lui un type : un type original qui osait traverser la rue Victor Hugo à purette (en tenue légère, ndlr)… Un jour qu'il voulait ausculter le côté droit d'une bonne vieille perchée dans un de ces vieux lits ardennais hauts sur pattes, ce côté droit étant celui du mur le docteur était fort embarrassé. Ne

pouvant déplacer le lit tout seul, il fit un bond par-dessus la brave femme, et put ainsi accomplir scrupuleusement son devoir professionnel... Ia pauvre a survécu quelques mois à ce traitement acrobatique. » (5)


Du 16 au 30 juillet 1923, Louis Destouches tint une consultation quotidienne au cabinet du 

Dr Boucher, situé au numéro 54 de la rue Victor Hugo. Les visites de malades à domicile, qu'il fit «en bras de chemise», nous précisent les anonymes témoins de La Grive, lui permirent de se familiariser avec les mœurs locales ; sans doute put-il longuement se régaler d'un patois d'où rejaillissaient parfois, au détour d'un « l'gamin avot attrapé une déclichette à li vider tous les boyaux » ou d'un « on n'avot mie d'sous pou'aller woir lu médecin », quelques lointaines résonances d'une verve rabelaisienne si douce aux oreilles du futur Céline. Le verbe coloré et gaudriolant des sangliers constitua sans doute un excellent repas spirituel pour la plume gourmande de celui dont le style, au moment où s'ébauchait La vie et l'œuvre de P. L Semmelweis, conservait encore une élégance tout académique.


Au quotidien de l'omnipraticien, fait de rendez-vous, d'imprévus, d'attentes et de réveils nocturnes, Revin ajoutait deux ingrédients supplémentaires : le travail en milieu semi-rural et la proximité des fonderies industrielles, grandes pourvoyeuses de pathologies en tous genres. Depuis les grandes réformes médicosociales de la Belle Epoque et particulièrement depuis la loi de 1898 sur la législation des accidents du travail, les ouvriers bénéficiaient enfin d'une indemnisation par l'employeur des soins de blessures ou de maux que les heures d'atelier pouvaient occasionner. Revin, ville réputée depuis la fin du XIXe siècle pour un parc métallurgique que la Grande Guerre avait partiellement ravagé, connaissait alors une période de reprise florissante. Relancées à plein régime par des industriels aussi créatifs qu'ambitieux, les fonderies Martin, Grosclaude ou Faure ouvraient toutes grandes leurs gueules pour happer une main-d'œuvre provenant aux trois quarts de la région et pour le reste du grand flux des immigrés de Pologne, d'Allemagne ou d'Italie. La croissance industrielle, oublieuse pressée des atrocités d'une Grande Guerre encore tiède, réclamait à présent sa chair à canon. Insatiable, elle ne rechignait pas à en déraciner au passage quelques milliers, charriant avec eux autant d'espoirs, de frayeurs, d'ignorances et d'incurables nostalgies. Les premières bagarres racistes, auxquelles Le Petit Ardennais donnait un écho parfois complaisant, grevaient à leur façon le bilan de la morbidité ouvrière locale.


Des mouleurs, des râpeuses, des monteurs, des émailleurs, des manœuvres de toutes nationalités, sournoisement égratignés par un chaudron chauffé à blanc, vinrent s'en remettre chaque jour aux bons soins de l'élégant remplaçant. Et Louis en diagnostiqua des accidents d'usine ! Piqûres de la main, contusions du globe oculaire, lumbagos, blessures complexes, coliques saturnines... L'homme qui signait à l'encre violette “Dr Destouches et Boucher” au bas des imprimés municipaux examina, palpa, ausculta, pansa et mis au repos un nombre respectable de victimes de l'acier. Si l'époque avait imposé le secret médical, des traces écrites de ces actes eussent été difficiles à retrouver ; mais heureusement, si l'on peut dire, et alors qu'ils ne concernent aujourd'hui que le salarié, l'employeur et la caisse d'assurance maladie, les accidents du travail faisaient à cette époque l'objet d'un bordereau rempli par le secrétaire de mairie suivi par une parution détaillée dans Le Petit Ardennais.


Ce fut là, sans doute, les premiers vrais contacts de Louis avec le domaine passionnant et complexe de la médecine du travail. Quelques années plus tard, les missions hygiénistes de la SDN l'enverraient dans un Nouveau Monde où il allait découvrir l'esclavagisme moderne des usines automobiles de Détroit et ses chaînes de montage peuplées de précaires, d'invalides ou de canoniques devant enchaîner à une cadence infernale une série de gestes décérébrant. Le souvenir plus ou moins déformé de cette expérience ne cesserait plus alors de hanter la mémoire du médecin et celle de l'écrivain. En témoigne cet article qu'il adressa à La Presse Médicale en octobre 1928 : L'usine, écrivit-il, était, en matière de diagnostic, un endroit bien plus favorable que le cabinet. Là, pensait-il, les hommes abandonnaient leurs doléances subjectives, et leur illusions sans doute, pour offrir au clinicien la nudité de leurs symptômes. Si la fouille minutieuse des documents locaux ne nous permet pas de savoir de quelle manière se rencontrèrent les docteurs Boucher et Destouches, une petite visite aux archives de Charleville-Mézières, puis à la bibliothèque de Sedan, nous apprend néanmoins que Jules Auguste Boucher (1877-1952) officia à Revin de 1902 à 1928 sans jamais s'impliquer dans une quelconque activité politique municipale. Au terme d'études médicales débutées à Paris et achevées à Reims, ce fils de cabaretier originaire de Rocroi soutint en 1901 une thèse sur les rapports conflictuels qui existaient à l'époque entre les médecins belges et français travaillant dans les communes frontalières : bien avant que les années cinquante ne donnent à l'Europe une forme plus concrète et des fondements législatifs, une convention de 1881 autorisait en effet les praticiens des deux Ardennes à exercer ponctuellement leur art dans quelques communes limitrophes du pays voisin. Le pamphlétaire mémoire de Jules Boucher accusait quant à lui les Esculapes de Wallonie de violer systématiquement les frontières et la convention pour venir se constituer une clientèle française ; dénonçant les pratiques de certains médecins belges, qui allaient « à 4 km et plus par au-delà de ces limites » et se rendaient « à jour fixe dans les auberges des villages français, pour y répandre les bienfaits de leur science »(6) ,|e thésard se plut à rêver d'une convention nouvelle qui établirait des sanctions à l'encontre des fraudeurs et imposerait une stricte équivalence de diplômes... Rendons justice aux frontaliers qui choisirent de se faire soigner par un médecin belge au début des années vingt : contrairement à leurs confrères de France, ces derniers délivraient aussitôt les médicaments qu'ils prescrivaient, le tout pour des tarifs de prestation tout à fait concurrentiels ! Ce texte polémiste, seule trace sans doute de Jules Boucher aujourd'hui, a au moins le mérite de nous éclairer un peu sur les habitus de nos confrères qui exerçaient en campagne ardennaise il y a un peu moins de 100 ans. Trois ans après l'installation de Jules Boucher, un autre médecin revinois terminait la sienne : le Dr Séjournet. Méritant de figurer au sein des glorieux du panthéon scientifique ardennais, ce praticien publia de nombreux et intéressants travaux dans la fameuse Union Médicale du Nord Est. À la lumière d'observations faites en parcourant les villages de la basse vallée, où le mariage consanguin demeura longtemps une vieille habitude, il étudia les modes de transmission de certaines maladies héréditaires. À une époque où le microbe ne connaissait point encore de remède, il défendit ardemment la prometteuse sérothérapie des pastoriens, tout en se montrant réservé à l'endroit de l'origine prétendument infectieuse de certaines maladies qu'elle prétendait traiter ; auteur de longues et passionnantes chroniques dans le bulletin médical de la région, le Dr Séjournet publia également quelques traités de pathologie bien documentés.



La liste des Ardennais qui défrayèrent l'histoire de la médecine, du baron Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821) au pédiatre Sedanais Robert Debré (1882-1978), mériterait sans doute une belle encyclopédie ; un cardiologue carolomacérien en fit, il y a quelques années, un admirable petit dictionnaire. L'ubiquitaire Louis Destouches, dont le nom figure dans l'index de presque tous les traités récents d'histoire de la médecine, mérite désormais d'y appartenir.


Les admirateurs de Céline qui auraient envie de se laisser héler par le doux racolage des dames de Meuse jusqu'aux berges de Revin, iront d'abord se rafraîchir, à I'orée de la ville, des verdeurs charmantes du parc Rocheteau ; là, entre arbrisseaux et pierres usées, ils trouveront les archives de M. François Lorent, où dorment les précieux feuillets noircis par Ie Dr Destouches. Ayant traversé le pont, les aventureux pouloperont à loisir au gré des bas et des hauts d'une rue Victor Hugo tendue d'un quai de Meuse l'autre. Ils pourront pénétrer dans l'épaisse bâtisse qui se tient au 54, aujourd'hui résidence de monsieur le Maire. Ils constateront qu'à pied, muni de quelques papiers et d'une pesante sacoche de cuir brun, sous un suant soleil de pleine campagne, il vaut mieux renoncer au complet élégant et courir chez le malade à purette.

Stéphane BALCEROWIAK.


1. CELINE (L.-F.) Féerie pour une autre fois, Paris : Gallimard, 1995 : 37.

2. VITOUX (F.) La vie de Céline, Paris : Grasset et Fasquelle, 2OOS : 257_238.

3. CELINE (L.-F.) Voyage au bout de la nuit, Paris : Gallimard, 1996 : 28.

4. CELINE (L.-F.) Bagatelles pour un massacre, Paris : Denoë|, 1957 : 194.

5, RICHART Le Dr Destouches et les Ardennes, La Grive, 1933, 20, 39.

6. BOUCHER (Jutes) De l'exercice de la médecine sur la frontière franco-belge, Paris : Vigot frères, 1901, 14-1S.

7. TOUCHE (M.) Médecins Ardennais d'hier et d'aujourd'hui, Charleville : SOPAIC, 1993.