jeudi 15 décembre 2016

Marcel Aymé et Léon Daudet en accord sur la «nouveauté» de Céline

Céline, résolument révolutionnaire, brise le faux-col sérieusement amidonné de la grammaire française. (Marcel Aymé)
nos lettres, sinon nos auteurs, étaient depuis trente ans, pas mal édulcorées et féminisées. (Léon Daudet)
 La nouveauté dans tous ses états. Une thèse exprimée dans Céline & Co par Pol Vandromme, qui rapproche les jugements de Léon Daudet de ceux de Marcel Aymé.


Louis-Ferdinand Céline chez Marcel Aymé à Grosrouvre en 1955.

Bardamu n'est pas Céline…

«De Céline à Bardamu, il y avait pour le moins toute la distance qui séparait Flaubert du ménage Bovary…» (Marcel Aymé)
Une thèse exprimée dans Céline & Co par Pol Vandromme, qui rapproche les jugements de Léon Daudet de ceux de Marcel Aymé.

Louis-Ferdinand Céline chez Marcel Aymé à Grosrouvre en 1955.


lundi 12 décembre 2016

Le Chevalier Céline ou la première marche de l'Atlantide

Petit-fils de Louis-Ferdinand Céline, fils de Colette Destouches, Jean-Marie Turpin, est né le 3 août 1942, et mort le 14 février 2015 à Landéda (Finistère). Il a publié Le Chevalier Céline ou la première marche de l'Atlantide, à L'Âge d'Homme en juillet 1990.


De qui Louis-Ferdinand des Touches de Lantillières, en littérature Céline, tenait-il ce don d'imprécation qui, «au monde où-il fait jour», l'a conduit à proférer «l’absolu refus d'espérer qu'il existe quelque chose comme la possibilité d’actes et de sens» ? Il appartenait légitimement à son petit-fils, et sans doute à lui seul, de remonter le courant d'une généalogie qui, aux méandres des filières bretonnes et normandes, mène très sûrement à ce chevalier chouan que rencontra Barbey d'Aurevilly à I'hospice du Bon Sauveur de Caen, en 1856, et qui «déçut d’un mélange d'insultes et d'eschatologie son mémorialiste».
Mais quand ce petit-fils s'appelle Jean-Marie Turpin, il est vain d'espérer une hagiographie propre à contenter les «célinolâtres». Pour le romancier des Runes, de Sol, ou de la Seconde Eglise, pour I'enlumineur de l'Apocalypse de Jean et des lieux du Graal, pour le métaphysicien des Nuits de I'entendement, il y a bien «quelque chose de sacré» aux racines de l’œuvre célinien, mais si le sentiment d'un «abandon absolu» prévaut douloureusement dans le voyage, et si ce sentiment participe fondamentalement de la détresse du christ au Mont des Oliviers, force lui est de constater qu'il a fallu à Céline «vautrer sa détresse avec les porcs». Pourquoi? Pourquoi cette déchéance et pourquoi, peut-être, cette prédestination au mal et à «l'irrémission» de la «haine célinienne» ? Poète et théologien ensemble, Jean-Marie Turpin ne balance pas sa réponse : Céline était un possédé dont toutes les vociférations sont «un credo silencieux à la vérité éternelle du Mal et à sa seule réalité», une «offrande insensée de la Douleur existentielle adressée au Mal absolu».
Cependant jamais le petit-fils ne condamne, le Diable fût-il à la manœuvre dans les «ensorcelleries» de l'aieul et de ses funestes héros. Au contraire, Jean-Marie Turpin qui, à l’occasion, nous révèle la profondeur pathétique des liens qui, jusqu’à sa fin,

unirent Ie chevalier Céline à sa première épouse Edith Follet, dépeint avec une compassion digne des imagiers des enclos paroissiaux bretons la tragédie d'un écrivain dont la damnation fut «d'éprouver dans sa chair la mort de la vie» et qui, en coopérant à «I'Avènement de la révélation du Mal», nous a laissé une formidable leçon de Ténèbres.

Jean-Marie Turpin (écrivain, théologien, philosophe est le petit fils de Louis-Ferdinand Céline, l'un des enfants de Colette, fille d'Edith née Follet, la première femme de Louis-Ferdinand Céline avec laquelle l'écrivain resta en contact jusqu'à la fin de sa vie ). Il témoigne: «Lorsqu'il était en prison au Danemark, ma mère m'a demandé de lui écrire, j'avais alors une dizaine d'années. Nous avons eu une correspondance suivie et très gentille pendant plusieurs années. Dans mon adolescence, ma mère s'est débrouillée pour que j'aie accès à tous ses écrits. J'ai tout lu. (...) J'étais avec un copain mais il est resté dehors. Je suis rentré dans la maison sans sonner. Je suis tombé directement sur Céline, surpris de me voir.
Il n'avait pas beaucoup de temps pour me recevoir, il était malade, submergé par la presse qui s'intéressait de nouveau à lui. Il n'avait pas envie d'accorder d'interview, il souhaitait terminer son oeuvre. J'ai débarqué là-dedans ! Il m'a interrogé sur mes études, a été surpris que j'aie lu son oeuvre et a vérifié mes connaissances en me posant des questions. L'entretien a été drôle et caustique. Céline avait un humour fracassant, une ironie féroce. C'était un grand-père comme je le rêvais. Malheureusement l'entretien fut bref et il me demanda de revenir le voir avec le baccalauréat en poche. Il devait mourir quelques mois après.» 
(In Bertrand Arbogast, J.M. Turpin termine son prochain livre à Armenonville, La République du Centre, L'Année Céline 1995, Du Lérot).

Jean-Marie Turpin, petit-fils de Céline (1942-2015)
L'écrivain et philosophe Jean-Marie Turpin est décédé, samedi, dans sa maison de Landéda. Né le 3 août 1942, il avait 72 ans. Descendant direct du docteur Augustin Morvan, député maire de Lannilis, qui a donné son nom à l'hôpital de Brest, il était aussi le petit-fils de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline, auquel il a consacré un ouvrage, Le Chevalier Céline. Poète, romancier, dramaturge et encore peintre et calligraphe, Jean-Marie Turpin est reconnu pour ses écrits littéraires. Certains ont pour toile de fond la Bretagne et ses légendes où réel et fabuleux se mêlent, comme dans les récits étonnants que sont Les Runes, Augustin Morvan ou les images divines des petits garçons de Lannilis. C'était encore un métaphysicien admiré par ses pairs pour la qualité de ses recherches et pour sa pensée profonde.